L’arbitrage au Maroc trouve ses origines pendant la période où l’État marocain était sous Protectorat français. C’est donc l’ancien code de procédure civile français de 1912 qui a tracé les amorces de l’arbitrage marocain.[1] Lorsqu’il devint indépendant en 1956, le Maroc adopta sa propre législation avec notamment le Dahir portant loi n° 1-74-447 du 28 septembre 1974, approuvant le texte du code de procédure civile par son chapitre VIII du titre V, en l’occurrence les articles 306 à 327.[2] Néanmoins, en vue d’encourager davantage les investisseurs à s’établir sur son territoire, les législateurs ont décidé d’encadrer l’arbitrage au Maroc, et ce, par la promulgation d’une nouvelle loi n°08-05 abrogeant et remplaçant le chapitre VIII du Code de procédure civile.[3]
Un cadre contractuel favorable à l’arbitrage international
Il est important de savoir que le Maroc est l’un des premiers signataires de la Convention CIRDI ; il est partie à cette dernière depuis 1967.[4] La principale législation nationale qui la met en œuvre est le décret royal n° 564-65 du 31 octobre 1966.[5] En ce sens, l’affaire Holiday Inns c. Maroc[6] a fait de cet État le tout premier à faire partie d’un arbitrage CIRDI en vertu de la Convention de Washington de 1965. Par ailleurs, l’une des affaires les plus emblématiques en matière d’arbitrage d’investissement, concernant la définition d’un investissement en vertu de la Convention CIRDI (connue sous le nom de « test Salini »), découle de l’affaire Salini c. Maroc.[7]
Le Royaume a adopté la politique de « la toile d’araignée » dans la mesure où il a conclu plusieurs accords d’investissements bilatéraux ou encore multilatéraux, afin de garantir un climat juridique favorable pour les investisseurs qui souhaitent s’établir sur son territoire. On peut citer, à titre illustratif, l’accord portant création de la société interarabe de garantie des investissements (1972) et la convention créant l’AMGI (1992).[8] Enfin, le Maroc a conclu quatre-vingt-cinq TBI, dont cinquante sont en vigueur aujourd’hui.[9]
Les difficultés inhérentes à l’exequatur des sentences arbitrales au Maroc
Il y a lieu de rappeler que l’exécution des sentences internationales est prévue par les articles 327-46 et 327-47 de la loi.[10] Dans ce contexte, le droit marocain n’impose aucune restriction aux avocats étrangers souhaitant représenter des parties dans une procédure arbitrale au Maroc.[11]
L’exécution des sentences internationales peut être refusée par le juge national. Elles sont le plus souvent rejetées pour motif d’incompatibilité avec l’ordre public national.[12] En plus, la loi ne prévoit pas de motifs spécifiques de refus d’exécution, mais énonce uniquement les motifs pour lesquels la décision de reconnaître et d’exécuter une sentence peut être contestée :
-Lorsque le tribunal arbitral a statué sans convention d’arbitrage, ou que la sentence est fondée sur une convention d’arbitrage nulle ou caduque.
-Lorsque le tribunal arbitral a été irrégulièrement constitué ou que l’arbitre unique a été irrégulièrement désigné.
-Lorsque le tribunal arbitral a statué en contradiction avec le mandat donné.
-Lorsqu’une partie à l’arbitrage n’a pas été en mesure de présenter sa cause.
-Lorsque la reconnaissance ou l’exécution de la sentence est contraire à l’ordre public national ou international.[13]
Malgré la présence de cette flexibilité judiciaire en matière de procédure d’exequatur de sentence arbitrale internationale, une décision rendue par la Cour de Commerce de Casablanca en 2015[14] a mis en exergue le changement radical de la stratégie marocaine en matière d’exécution des sentences. En l’espèce, cette dernière a reconnu une sentence arbitrale internationale et accorde l’exequatur à une société n’ayant même pas signé le contrat avec la défenderesse, la Cour d’appel s’est alors prononcée pour l’extension de la clause compromissoire contenue dans le contrat principal à cette dernière sur le fondement de théories doctrinales qui ne sont pas applicables au Maroc et qui violent considérablement l’ordre public national.[15]
Ainsi, le Juge d’Appel a statué que cette extension ne heurte en rien l’ordre public national et a donc suivi de manière très innovante et imprévue les standards internationaux en la matière.
En effet, selon le tribunal et la complexité de l’affaire, la pratique montre que l’exequatur d’une sentence nationale ou internationale peut être accordé dans un délai d’une semaine à un an devant les tribunaux de première instance.[16]
Selon les statistiques fournies par la Direction Civile du ministère de la Justice marocaine, les procédures d’exequatur ont augmenté de 50% entre 2015 et 2016.[17]
À la lumière de ce qui précède, il existe également des conventions de coopération judiciaire, que l’État marocain a contractées avec d’autres États, parmi lesquels nous trouvons des accords portant uniquement sur la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales. Par exemple, l’article 22 de la convention mutuelle judiciaire, d’exequatur des jugements et d’extradition entre le Maroc et la France, dispose que « les sentences arbitrales rendues valablement dans l’un des deux pays sont reconnues dans l’autre et peuvent y être déclarées exécutoires si elles satisfont aux conditions de l’article 16. »[18]
Un État à l’avant-garde de l’arbitrage grâce au centre d’arbitrage international de Casablanca
Institué en 2016, le Casablanca International Mediation and Arbitration Center (CIMAC) est une institution[19] qui se concentre sur les litiges survenant au Moyen-Orient.[20] La composition internationale du panel d’arbitres du CIMAC, combinée aux atouts de Casablanca Finance City, confère au centre un potentiel indéniable non seulement au Maroc, mais également à l’échelle du continent africain.
Doté d’une liste d’arbitres diversifiée, une expertise, une installation à proximité des principaux pôles économiques et des règles claires et flexibles, l’ensemble de ces critères fait de ce centre une institution incontournable en matière d’arbitrage.[21] En addition, la Cour est composée d’experts internationaux renommés dans le domaine de l’arbitrage comme le président Laurent Levy ou encore Jalal El Ahdab .[22] Le règlement d’arbitrage CIMAC offre une grande flexibilité pour les différentes parties à un litige. Par exemple, l’arbitrage peut être conduit en quatre langues sur accord des parties : français, anglais, arabe ou espagnol[23], elles ont également la liberté de choisir le siège de l’arbitrage[24].
Coût de l’arbitrage commercial au Maroc
Il est important de savoir que le coût de l’arbitrage commercial au Maroc est fixé en fonction de plusieurs critères tels que la complexité du dossier, le temps de traitement et la diligence des arbitres.
Ainsi, pour le dépôt de la demande d’arbitrage, il faudrait prévoir une avance forfaitaire à hauteur de 5.000 MAD. Aussi, les frais administratifs sont fixés en fonction du montant en litige : de 3.000 MAD pour les litiges n’excédant pas 500.000 MAD à 0,05% pour les différends dont le montant dépasse 25 millions MAD. Les émoluments des arbitres sont également calculés de la même manière. Pour un montant en litige dépassant les 100 millions MAD, les honoraires de ce dernier sont fixés sur la base d’un pourcentage minimal de 0,0025% et d’un pourcentage maximal de 0,05% sans oublier les frais de nomination de l’arbitre.[25]
[1] M.A Sourhami, Motivation des Sentences Arbitrales en Droit Marocain : Perspectives d’une conciliation entre la liberté contractuelle et les exigences du procès équitables, pp1.
[2] M. El Mernissi, Arbitration in Morocco – Realities and Perspectives, Journal of International Arbitration, Kluwer Law International 2002, Volume 19 Issue 2, pp1.
[3] Voir à ce sujet : le Dahir n° 1-07-169 du 19 Kaada 1428 (30 novembre 2007), bulletin Officiel n° 5584 du Jeudi 6 Décembre 2007.
[4] M. El Harti Alonso, African Dynamism: Morocco as a Potential Hub for International Arbitration, (Kluwer arbitration Blog, 4 Juin 2019).
[5] A. Brahma, in L.Bosman , Arbitration in Africa: A Practitioner’s Guide (Second Edition), Kluwer Law International 2021, Chapter 4.4, pp462.
[6] Holiday Inns S.A. and others v. Morocco, ICSID Case No. ARB/72/1.
[7] Salini Costruttori S.p.A. and Italstrade S.p.A. v. Kingdom of Morocco, ICSID Case No. ARB/00/4.
[8] M. El Harti Alonso, African Dynamism: Morocco as a Potential Hub for International Arbitration, (Kluwer arbitration Blog, 4 Juin 2019).
[9] Voir à ce sujet : https://investmentpolicy.unctad.org/
[10] Voir à ce sujet : le Dahir n° 1-07-169 du 19 Kaada 1428 (30 novembre 2007), bulletin Officiel n° 5584 du Jeudi 6 Décembre 2007.
[11] A. Brahma, in L.Bosman, Arbitration in Africa: A Practitioner’s Guide (Second Edition), Kluwer Law International 2021, Chapter 4.4, pp462.
[12] N. Ghaouti, Exequatur au Maroc des sentences arbitrales internationales : un parcours du combattant, article de presse, 2017.
[13] A. Brahma, in L.Bosman, Arbitration in Africa: A Practitioner’s Guide (Second Edition), Kluwer Law International 2021, Chapter 4.4, pp462.
[14] Ynna Holding c. Five FCB, Jugement rendu par la cour de commerce de Casablanca le 3 octobre 2015, voir à ce sujet : https://medias24.com/2022/11/15/ynna-holding-vs-five-fcb-la-partie-non-mediatisee-du-litige/
[15] Ynna Holding c. Five FCB, Jugement rendu par la cour de commerce de Casablanca le 3 octobre 2015, voir à ce sujet : https://medias24.com/2022/11/15/ynna-holding-vs-five-fcb-la-partie-non-mediatisee-du-litige/
[16] A. Brahma, in L.Bosman, Arbitration in Africa: A Practitioner’s Guide (Second Edition), Kluwer Law International 2021, Chapter 4.4, pp462.
[17] N. Ghaouti, Exequatur au Maroc des sentences arbitrales internationales : un parcours du combattant, article de presse, 2017.
[18] Voir à ce sujet la convention de coopération judiciaire contracté entre le Maroc et la France.
[19] A. Brahma, in L. Bosman, Arbitration in Africa: A Practitioner’s Guide (Second Edition), Kluwer Law International 2021, Chapter 4.4, pp462.
[20] Voir à ce sujet : http://cimac.ma/
[21] M. El Harti Alonso, African Dynamism: Morocco as a Potential Hub for International Arbitration, (Kluwer arbitration Blog, 4 Juin 2019).
[22] M. El Harti Alonso, African Dynamism: Morocco as a Potential Hub for International Arbitration, (Kluwer arbitration Blog, 4 Juin 2019).
[23] Article 17.4, Règlement CIMAC.
[24] Article 17.1, Règlement CIMAC.
[25] CCI Maroc, Règlement d’arbitrage de la Cour Marocaine d’Arbitrage, Annexe II barème des frais administratifs et des honoraires du tribunal arbitral.