L’arbitrage international en Algérie demeure sans doute un sujet des plus fascinants quant à la complexité du cadre juridique algérien. En effet, dans un contexte où les investissements étrangers et les flux de capitaux internationaux sont en continuel accroissement, leur part au sein des économies étatiques devient, elle aussi prépondérante.[1]
L’Algérie, pays aux nombreuses ressources naturelles, s’est également laissé emporter par la vague de libéralisation des investissements et du commerce international. Par ailleurs, la législation algérienne s’est développée petit à petit et a commencé à intégrer des réglementations spécifiques en termes d’investissements étrangers et de règlements des différends. Il a été possible d’évoquer l’existence « d’une double dynamique » ;[2] « à l’échelle bilatérale elle a tissé, avec plusieurs États, un réseau d’accords de promotion et de protection des investissements qui accordent, tous, une place de choix à l’arbitrage comme mode de règlement des différends opposant l’investisseur à l’État d’accueil de l’investissement ».[3]
À la suite de ces évènements, l’Algérie a adopté un décret législatif en 1993[4] permettant de reconnaitre officiellement le principe d’arbitrage international afin de démontrer une réelle adéquation entre son comportement international et sa législation nationale. À ce titre, l’État a abrogé l’article 442 du Code de procédure civile algérien (« CPCA ») et a introduit de nouveaux chapitres relatifs à l’arbitrage international dans sa législation.[5]
À cela s’ajoute la loi n°08-09 du 25 février 2008 qui est venue modifier le Code de procédure civile algérien en substituant quelques dispositions du Livre V portant sur les modes alternatifs de règlements des litiges.[6]
Il parait dès lors intéressant de s’attarder sur la réglementation algérienne en termes d’arbitrage commercial international ainsi que son articulation quant au règlement des différends. Puis, il conviendrait d’aborder le règlement des différends en matière d’investissements au sein du cadre juridique algérien.
L’Arbitrage International Dans Le Code De Procédure Civile Algérien
Le Chapitre VI du Code de procédure civile algérien traite de l’arbitrage international et apporte des précisions. En effet, selon l’article 1039 du CPCA,[7] un différend est considéré international lorsque les intérêts économiques d’au moins deux États sont en cause. À ce titre, il est nécessaire que la convention d’arbitrage se présente sous forme écrite et que cette dernière soit régie par le droit choisi par les parties.[8]
Il est nécessaire de préciser que le droit algérien reconnait également le principe de séparabilité, à savoir que la convention d’arbitrage est indépendante du contrat auquel elle se rapporte.
Concernant la capacité des entités publiques à compromettre, elle fut reconnue par une circulaire de 1982.[9] Avant cette circulaire, l’ancien article 442§3 du CPCA prohibait aux émanations de l’État algérien de compromettre.
Procédure Arbitrale En Algérie
Le droit pour les parties de nommer des arbitres ou alors de décider de la manière dont ces derniers seront nommés est une condition de validité de la convention d’arbitrage.[10]
Les parties jouissent d’une certaine liberté accordée par le droit algérien pour nommer les arbitres. Cependant, si les parties n’arrivent pas à se mettre d’accord, cela n’affectera pas la validité de la convention d’arbitrage.
Dans ce cas, plusieurs situations sont envisageables :
- Si le siège de l’arbitrage est situé en Algérie, alors le juge compétent pour la constitution du tribunal arbitral sera celui du lieu de l’arbitrage ;
- Si le siège est situé à l’étranger et que les parties ont décidé que la convention d’arbitrage serait régie par le droit algérien, alors le juge algérien sera également compétent pour la constitution du tribunal ;
- Si la convention ne précise pas la juridiction compétente, alors cette dernière sera celle de l’endroit de la signature ou de l’exécution du contrat principal.
Les parties peuvent choisir la loi applicable à leur différend. Cependant, si un tel choix ne peut pas être fait par les parties, les arbitres appliqueront le droit algérien et d’autres droits considérés pertinents en l’espèce.
Le droit algérien accorde une certaine flexibilité aux arbitres concernant la loi applicable.[11] En d’autres termes, il est possible pour les arbitres d’appliquer plusieurs lois en fonction du secteur et de la pertinence de ces dernières quant au différend.
Une sentence arbitrale peut-être annulée seulement dans les cas énumérés à l’article 1058 du CPCA. Cette liste fait essentiellement référence à des vices de forme à l’image du non-respect de la procédure arbitrale.
Reconnaissance Et Exécution Des Sentences Arbitrales En Algérie
En termes d’Exequatur, que la sentence soit rendue en Algérie ou à l’étranger, il est nécessaire de respecter différentes exigences de formes imposées par le droit algérien ainsi que la convention d’arbitrage. De plus, il est important que la sentence ne soit pas manifestement contraire à l’ordre public international.[12]
Les ordonnances refusant l’exécution d’une sentence peuvent généralement faire l’objet d’un appel.[13] Ces recours doivent être introduits dans un délai d’un mois à compter de la signification de l’ordonnance d’exécution.
L’Arbitrage D’Investissement En Algérie
L’Algérie a ratifié la Convention de Washington pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre État et ressortissants d’autres États portant création du CIRDI.[14]
Dès lors, les investisseurs bénéficient de la protection des traités bilatéraux d’investissements conclus entre l’Algérie et leur État de nationalité, le cas échéant.
Durant les dernières décennies, les investissements en Algérie ainsi que l’afflux de capitaux n’ont cessé de croître. Les investisseurs de nationalités chinoise et turque sont alors en tête de liste des nationalités à l’initiative d’investissements directs étrangers.[15]
L’arbitrage international en Algérie est en constant développement. Il lui a souvent été reproché d’être trop libéral et pas assez restrictif en termes d’encadrement juridique. Certains ont pu penser qu’il s’agissait d’une technique économique conjoncturelle afin d’attirer les investisseurs étrangers. D’autres en ont déduit un manque de négociation de l’État algérien au stade des prémisses contractuelles.[16] Quoiqu’il en soit, l’État algérien est tout à fait conscient de ces problématiques et rebâtit activement sa stratégie juridique en termes d’investissements étrangers et d’arbitrage international.
[1] Rapport sur l’investissement dans le monde en 2021, Nations Unies, 31ème édition, 2021.
[2] Yakout Akroune, L’arbitrage Commercial International En Algérie, Revue Algérienne des Sciences Juridiques et Politiques, Volume 37, Numéro 4, 2021, p.277-306.
[3] Ibid.
[4] Décret législatif n°93-09 modifiant et complétant l’ordonnance n°66-154 du 8 juin 1966 relative au Code de procédure civile, J.O.R.A n°27 du 27 avril 1993, p.42.
[5] L’ancien article 442§3 du Code de procédure civile ne permettait pas aux entités émanant de l’État de compromettre. Dès lors, cette circulaire a permis aux services publics industriels et commerciaux de compromettre ainsi qu’à toute autorité administrative indépendante.
[6] LIVRE V : Des modes alternatifs de règlement des litiges, Code de procédure civile algérien.
[9] Circulaire n°123 SG IPM du 11 novembre 1982.
[10] Article 1041 du Code de procédure civile algérien.
[11] Article 1050 du Code de procédure civile algérien.
[12] Article 1051 du Code de procédure civile algérien.
[13] Article 1057 du Code de procédure civile algérien.
[14] Décret présidentiel n°95-346 du 30 octobre 1995, J.O.R.A, 5 novembre 1995, p.20.
[15] Rapport sur l’investissement dans le monde en 2021, Nations Unies, 31ème édition, 2021.
[16] Propos de Abdelkader Smari, Président du Club Economique algérien, le 11 octobre 2016.